VMS is dead, long live VMS
Quoi de nouveau au sujet de la dette technologique
Ce n’est pas le lieu de commencer une polémique avec Ward Cunningham. Quand ce sera le moment de le faire, il faudra lui demander quel rôle très général il réserve à la mise par écrit, et en quoi il est difficile de constituer un savoir sans trace ni archéologie. Un wiki répare-t-il une dette ? Et alors dans quel sens fonctionne la dette ?
La modernisation logicielle est un secteur florissant, de même que les solutions proposées pour les systèmes legacy. Ce concept est en quelque manière pour le domaine un argument d’avant-vente. Il n’est pas sans valeur, et il est clair que le réinvestissement logiciel a un coût, et les limites imposées par les moyens passés dans les développements deviennent souvent des barrières au re-développements actuels.
Mais les temps ont changé, et il est intéressant de reconsidérer le concept à nouveau frais. Les repères temporels sont importants. Est-ce que la dette technologique en 2024 est applicable de la même façon qu’en 1992 ? En 1992 un ensemble de logiciels de qualité médiocre étaient devenus un frein. En 2024 les usages de solutions informatiques qui ont tenu plusieurs décennies prouvent surtout leur fiabilité et leur efficacité. Elles sont difficilement remplaçables surtout par leur inscription aux coeurs des métiers qu’elles servent.
Bouchon Lyonnais
Quand nous nous promenons à Lyon, capitale française de la gastronomie, est-ce que nous choisissons les nouveaux venus, ou les « maisons » affichant leur ancienneté ? Les meilleurs restaurants seraient-ils redevables d’une dette technologique ?
Ce qui permet de souligner le caractère paradoxal du terme. En général la dette est relative à un bien existant qui n’a pas été payé. En continuant l’exemple nous sommes endettés si nous ne payons pas notre repas. Or les legacy sont justement un bien dont le caractère est d’exister. Dans quel sens temporel fonctionne donc la dette technologique ? On peut supposer que c’est un impayé sur l’avenir, ce qui est assez paradoxal. Nous serions endettés relativement à un rythme que nous serions incapables de soutenir. Mais ce que fuient justement certains systèmes legacy de très haute qualité ce sont les changements incontrôlés qui font courir des risques industriels considérables.
Ce qui est véritablement nouveau dans le moment est l’accumulation du temps. Les meilleurs systèmes dits legacy ont maintenant traversé plusieurs périodes. Ils mettent à disposition aujourd’hui des dispositifs qui ont été inventés avant-hier, quand les fondamentaux de l’informatique commençaient à trouver des applications.
Génialité alors de faire beaucoup avec très peu.
Puis s’est inventé dans le temps l’habillage formel informatique sur les métiers, avec les boucles de réadaptation de l’informatique sur le métier et du métier sur les possibilités offertes par l’informatique. Pour provoquer notre ami, on pourrait dire que les systèmes legacy sont une forme de wiki pour certains métiers.
Enfin la période des grands bonds en avant permis par la loi de Moore, les sur-investissements associés est dans une phase décisive : peut-être que l’IA va pouvoir remplacer à force de centaines de milliards toute intelligence, mais pour les plus réalistes l’apparition des problèmes d’énergie et de ressources rares encourage à penser à des solutions de Backup. Les sur-investissements sont des choses fragiles, et les vieillards qui ont suivi l’histoire y pressentent la possibilité du Single Point Of Failure.
Ce développement permet de penser que les legacy, ou la dette technologique pourraient maintenant être considérés plus comme des ressources que comme des problèmes.
Un retournement industriel
Toute la question industrielle sur cette problématique est de savoir comment exécuter le retournement énoncé. Il faut déjà remarquer dans quelle catégorie elle se présente. Le lecteur attentif aura pressenti qu’on est dans le domaine du réinvestissement, de l’économie dite circulaire, etc,… Mais le travail ici n’est pas dans le domaine financier. Dans un autre article nous avons pointé en quoi une recherche de financement et de subvention devraient profiter de cette appartenance aux domaines cités.
Les meilleurs textes sont ceux qui offrent la possibilité d’être relus. La stratégie de reprise des legacy sera une stratégie de relecture. Parce que nous sommes en dette par rapport aux legacy. Nous ne leur avons pas accordé l’attention qu’ils méritent, et à ne pas le faire nous prenons le risque de perdre des forces très importantes accumulées.
Une méthode qui n’a pas de nom encore est en quelque sorte le contre-pied de la fameuse agilité. Par exemple en présence d’un système se demander ce qui y a résisté au temps, et favoriser les redéploiements autour des qualités qu’on aura redécouvertes. Se demander quelles stratégies ont été pensées en amont par les concepteurs, quelles problématiques fondamentales ils ont voulu mettre au service du développement.
Si on passe l’agilité au banc du temps long, en prenant en compte la positivité de la démarche essai-erreur, on s’aperçoit que les legacy, ceux qui ont tenu plusieurs décennies sont les meilleurs exemples d’une stratégie qui garderait de l’agilité le but, à savoir mettre à disposition un outil utile.
Le travail de réutilisation intelligente des legacy, la considération de notre dette de lecture à son égard est un nouvel axe industriel à naître. Ceux qui en profiteront au plus vite auront anticipé un nouvel axe de développement et de stabilité industrielle.
La question du moment est de savoir qui aura l’audace de se lancer dans ce mode d’innovation. Et les freins sont pour le moment très importants : mode à peine émergeant du financement de l’économie circulaire, déconsidération de l’existant (le concept de dette technologique de 1992 plaqué en 2024 en est un exemple), choix au contraire des investissements de courts termes appétissants, etc,…
Opération Baobab
Le lecteur aura compris que le retour de VMS est notre laboratoire de prédilection. L’aventure de Digital, puis maintenant de VMS est une sorte de paradigme de ce qui se maintient par sa qualité, qui ne peut pas mourir parce qu’une reprise des fondamentaux inscrits est toujours possible.
Toute la question du moment est : est-ce que cette opportunité extraordinaire de retournement industriel sera saisie ? Le pari financier, industriel, conceptuel est plus que considérable. Le courage de VSI à affronter le problème est enthousiasmant. Mais le risque d’essoufflement est réel. Parce qu’il ne s’agit de faire un tour de table pour un sur-investissement dans le genre IA, mais de négocier à la marge sur un marché restreint, dans lequel le retour sur investissement ne peut que se faire attendre.
Notre propos ici ne peut pas être d’évaluer les choix de VSI, et encore moins si il y a évaluation nécessaire de ne la faire porter que sur un acteur. Dans d’autres articles nous avons donné quelques opinions sur les choix de VSI. Et nous soulignons ici au passage que le problème majeur pour tous les acteurs est d’aller vers la plus grand universalité et la plus grande collaboration.
C’est le débat conceptuel que nous soulignons ici. Quel relation comprendre entre vieillissement et ressource, en quoi un héritage est plus qu’une dette ?
Qui n’a pas reçu dans son courrier une proposition d’investissement dans un institut de gérontologie ? Les maisons de retraites peuvent rapporter de l’argent, disent-ils. Mais l’existence de maisons de retraite pointe un problème général : à partir d’un certain moment les vieilles personnes sont des charges dont on doit organiser le support. Nous sommes là en opposition complète avec d’autres civilisations qui se réunissent sous un arbre pour entendre le vieillard livrer son expérience.
C’est l’image du baobab sous lequel se transmet la civilisation qui est adaptée à la révolution industrielle souhaitée. Un wikipedia à travers les temps. Pour nous cela suppose un renversement des concepts et notamment ceux du sens de l’écriture informatique. A considérer comme précieuse trace à relire, à partir de laquelle l’innovation est possible.
Le projet de VSI est selon nous beaucoup ambitieux que ce qu’il en affirme à ce jour. Et un certain registre de l’illusion moderniste, de la course en avant, de la mé-considération de l’existant lui font courir le risque de l’échec.
D’autres acteurs sont attendus dans ce retournement industriel. Sans offense par l’usage du terme, les « vieillards » ne sont pas encore au rendez-vous. Ils se sont mis à croire qu’ils étaient en dette, et qu’ils devraient payer en monnaie de risque leur dette. Ils envisagent la retraite. Alors que ce sont toutes les valeurs qu’ils ont en réserve qui ont de quoi abonder la banque de l’avenir.
Mais, VMS is dead, Long Live VMS.