VMS et le legacy comme domaine

, par Gérard Calliet

La relance de VMS ouvre le domaine legacy à son véritable avenir

Le terme legacy a pris en informatique une connotation négative. Il se comprend comme tous les désagréments liées aux choses vieillissantes. On emploie à son sujet le terme de dette technologique. Ce concept est paradoxal, difficile de comprendre le rapport entre un héritage et une dette. Alors que pour le sens commun ce sont les jeunes générations qui se considèrent comme endettées à l’égard des plus anciennes.

On peut considérer au contraire le legacy en informatique comme un domaine qui actuellement est riche en opportunités suivant divers axes de travail : sociologie, économie, éducation, science.

L’ecosystème VMS n’est pas seulement un legacy d’une qualité exceptionnelle, sa relance est l’occasion d’innover radicalement dans l’appréhension des legacy.

Sociologie.
La caractéristique majeure des legacy est d’avoir été conçus pour coller au plus près des métiers que pour la première fois l’informatique devait servir. En retour ces mêmes premières fonctions ont transformé les métiers qu’elles servaient. Cette incursion de la formalisation des fonctions dans l’entreprise, l’administration, la vie de tous les jours a donné lieu à des inventions, des méthodes qu’il est intéressant de comprendre dans leur surgissement. Avec le point extrêmement important de la nécessaire sobriété imposée alors par les moyens à disposition.

Beaucoup des applications VMS sont à considérer comme des modèles aussi bien pour leur qualités intrinsèques, que les méthodes de leur création ou que leurs usages.

On est là aux antipodes du sur-usage actuel qui repose sur le phantasme de l’immédiateté et d’une image exhaustive du réel, le numérique comme double du monde. Alors qu’il s’était agi de construire à partir d’une différence de nature. Le sur-mesure ne se prend pas pour son modèle, il se demande comment l’habiller.

Au lieu de chercher à remplacer les applications VMS en essayant de personnaliser des progiciels prétendument universels, il est préférable de réévaluer le rôle spécifique que jouent les applications VMS et évoluer à partir de cette base sûre.

La reprise des legacy, la compréhension de leur intelligence des métiers, de leur rôle dans le domaine fonctionnel, des méthodes de leur production doivent contribuer à valider les usages contemporains de l’informatique, à comprendre les crises de ces usages.

Des recherches innovantes sur la qualité et le rôle des logiciels VMS dits legacy sur le long terme pourront être faites en université.

Économie.
Il est évident que les legacy remplissent deux types de qualités actuellement particulièrement recherchées : sobriété et durabilité. Comme dit précédemment la sobriété a été une nécessité pour les legacy. Leur réutilisation rendue possible par leur stabilité en fait des bases de développement durable.

Les applications VMS existantes sont un modèle d’usage rationnel de l’énergie informatique. La compatibilité ascendante pour VMS est un précurseur des modèles de développement durable.

Plus profondément l’investissement gigantesque dans tous les domaines pour le développement durable et l’économie cyclique ne peuvent qu’inclure dans leur travail le réinvestissement dans les legacy. Si un domaine peut être compris dans les investissements publics, nationaux ou transnationaux, c’est bien celui des legacy.

La recherche de financements nationaux ou internationaux pour le réinvestissement avec VMS peut être engagé sur cette base.

Il est aux antipodes des investissements massifs pour l’IA, capables de motiver des masses gigantesques financières, pouvant être à l’initiative de bulles spéculatives, demandant aux entreprises de nouvelles parts à payer pour les outils et générant éventuellement des restructurations pour le moins risquées. L’investissement dans le legacy est minimaliste, avec une effet de levier spectaculaire, sans demander à l’entreprise de s’adapter à un outil, pour au contraire continuer à adapter l’outil à l’entreprise.

Si on compare le gain économique réel pour tous les utilisateurs de VMS en regard de l’investissement de Teracloud pour VSI et les gains escomptés en regard des investissements pour l’IA, il devient facile de voir de quel côté est le réel bénéfice économique.

Éducation.
Pour quelques décennies encore il est possible de faire communiquer les générations qui ont vécu les fondations du domaine informatique avec les nouveaux ingénieurs, hommes d’affaire ou scientifiques, formés à toutes les innovations de leurs domaines. En éducation la possibilité de mettre en regard les fondements et leurs développements est extrêmement important.

Les échanges culturels et techniques dans l’écosystème VMS sont potentiellement d’une qualité comparable à ce qui existe chez IBM. Il suffit de rouvrir les espèces d’échange, comme le boot camp de 2024, ou de relancer les pratiques de publications du code, comme Digital innova avec les « internals » pour être en mesure de constater la jonction entre les fondamentaux de VMS et les nouveautés de l’Open Source universel.

Au delà des quelques années à venir à saisir, il faut considérer le « musée informatique » (personnel, institutionnel) comme un lieu excellent d’apprentissage et de recherche. Le legacy est un musée vivant, un lieu où rebondir et innover.

Beaucoup des acteurs de l’écosystème VMS maintiennent un musée, privé ou public. Il faut passer dans ce cadre de l’intérêt de type « violon d’ingres » à une utilisation pédagogique et de soutien de la recherche fondamentale.

Science.
L’informatique quantique et l’IA sont des domaines scientifiques passionnants et aux applications à venir puissantes. Ils sont à considérer en eux-mêmes comme une projection dans le domaine informatique de la physique moderne ou des statistiques. Leur impact dans la science informatique elle-même se limite essentiellement aux problèmes d’algorithmique hyper-parallèle et de création des hardware nécessaires.

Le domaine VMS n’est pas celui de l’IA ou de l’informatique quantique. Son intérêt scientifique est dans le domaine général et fondamental de l’informatique.

Mais à proprement parler le domaine scientifique informatique est plus fondamental. D’une part il hérite, en informatique théorique, des reformulations fondamentales des mathématiques. D’autre part il pose le problème de la traductibilité entre domaine courant et domaine formel, donc, entre autres choses, avancées en logique pragmatique, ou en linguistique. Le legacy garde la trace de ces efforts scientifiques et est de ce fait un domaine d’étude scientifique.

Après presque un siècle d’évolution dans l’informatique fondamentale, il est important de réexaminer les choix scientifiques dans un écosystème de haute qualité, et VMS est dans ce cadre un excellent objet d’étude.
La recherche sur les pratiques de transcriptions en algorithmes des fonctions de communication et de contrôle d’action sont un domaine transversal entre logique, linguistique, épistémologie. VMS est un excellent terrain pour ce genre d’études.